1. Situation: Droits du patient et groupes de patients vulnérables
L’article 3, §2 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient stipule que “Par un arrêté royal pris en Conseil des ministres et après avis de la Commission visée à l’article 16, le Roi peut déterminer des règles complémentaires d’application de la loi aux rapports juridiques qu’il définit au §1er, afin de tenir compte de la nécessité d’une protection spécifique“. Bien que cette disposition soit inscrite dans la loi depuis plus de 20 ans, elle n’a pas été mise en œuvre jusqu’à présent. L’exposé des motifs de la loi était pourtant très clair à ce sujet : “Afin de tenir compte d’un besoin accru de protection juridique dans certains rapports juridiques, la loi habilite le Roi à déterminer des règles supplémentaires concernant l’application de la présente loi. Ainsi, par exemple, le Roi peut réglementer davantage le droit au consentement et à l’information d’une personne qui doit se soumettre à un examen médical (appelé visite médicale ou examen médical) sur ordre d’un tiers. De même, les droits d’un malade mental qui est traité de force dans un hôpital psychiatrique peuvent être réglementés davantage. Le pouvoir du Roi se limite à préciser la réglementation légale. Le Roi ne peut pas abaisser le niveau de protection prévu par la loi, ni accorder des droits qui ne sont pas prévus par cette loi“.
Ainsi, malgré les exemples clairs de l’exposé des motifs, exemples pour lesquels il existe d’ailleurs un besoin effectif de protection juridique, cette disposition n’a pas été mise en œuvre jusqu’à aujourd’hui. Bien entendu, cela ne signifie pas qu’aucune initiative n’a été prise concernant l’application des droits du patient aux groupes de patients vulnérables. Des initiatives axées sur la pratique, telles que la campagne de sensibilisation “Feel at ease” du SPF Santé publique en 2021 visant à informer les personnes âgées de la possibilité de désigner un conseiller confidentiel, ou les campagnes de la « Vlaams Patiëntenplatform » sur la connaissance des droits du patient, font une différence sur le terrain. Des conseils également, comme les avis de la Commission fédérale des droits des patients sur (i) la communication d’informations sur l’état de santé des mineurs (avis du 18 décembre 2009) et (ii) l’application de l’article 8 de la loi relative aux droits du patient dans le secteur de la santé mentale ou sur le droit du patient d’être informé au préalable et de consentir librement à toute intervention du professionnel (avis du 18 mars 2011), garantissent chacun en soi que des initiatives sont effectivement prises pour ces groupes de patients vulnérables. En outre, les rapports annuels du médiateur fédéral pour les droits des patients et les rapports annuels des médiateurs des hôpitaux et des centres de santé mentale accordent une attention certaine à ces groupes de patients.
L’équipe de recherche est convaincue que la bonne approche de la question de l’application des droits du patient pour les groupes de patients vulnérables est donc une combinaison équilibrée de campagnes et de projets de terrain, avec des clarifications du cadre juridique. La nécessité d’une telle approche a également été reflétée dans la résolution du Parlement fédéral du 15 décembre 2022 concernant une réforme en profondeur des droits des patients.
Dans les propositions de réforme du ministre Vandenbroucke, aucune initiative spécifique n’a été prise en ce sens, malgré la recommandation du Parlement. Lors de la présentation de la proposition au public le 8 mars 2023, il a été dit à ce sujet : “La loi sur les droits des patients fait référence au “patient“. Bien entendu, “le patient” n’existe pas. Certains patients, en raison de leur vulnérabilité, par exemple en raison de leur âge ou de leur santé mentale, auront besoin de plus de protection que d’autres. La loi permet à un arrêté royal d’application d’élaborer une protection supplémentaire pour des patients (groupes) spécifiques, tels que les patients souffrant de troubles mentaux ou les patients mineurs. Le projet conserve cette possibilité et, pour cette raison, la loi ne réglemente pas les groupes de patients spécifiques. Toutefois, la politique a été encouragée à travailler sur ce point dans un avenir proche, afin que ces groupes de patients vulnérables puissent être protégés d’une manière plus nuancée et plus spécifique”.
C’est dans cette optique que l’équipe de recherche de l’Université de Gand élabore ce projet de recherche.
2. Cadre conceptuel et compréhension de la tâche
Les chercheurs ont inclus dans les groupes de patients vulnérables trois groupes de patients, à savoir
- Les personnes souffrant de problèmes de santé mentale
- Patients mineurs,
- Victimes de violences sexuelles
Chacun de ces groupes de patients vulnérables est caractérisé par une forme différente de vulnérabilité. Le choix de ce groupe est donc basé sur :
2.1. Patients mineurs
Les patients mineurs sont considérés comme vulnérables en raison de leur jeune âge, caractérisé par une volonté croissante.
Les défis liés à l’application des droits du patient résident dans la tension entre la capacité juridique croissante du mineur et son implication ultérieure, d’une part, et le rôle des représentants, c’est-à-dire les parents ou, le cas échéant, le tuteur, d’autre part, en particulier à la lumière de l’adolescence. L’exercice des droits du patient par les représentants “dans l’intérêt” du patient mineur pose également des problèmes, tant qu’il y a désaccord entre les représentants lorsque ce désaccord se manifeste entre les représentants et les prestataires de soins de santé. En outre, une divergence d’opinion peut également se manifester entre le représentant et le patient mineur lui-même. De même dans ce cas, il n’est généralement pas précisé ce qu’il convient de faire.
Il existe déjà une abondante littérature sur le “patient mineur”. Cette littérature sera analysée à la lumière des questions de recherche envisagées. En particulier, il s’agira d’examiner l’impact des modifications imminentes de la loi sur les droits des patients sur le patient mineur.
2.2. Personnes souffrant de problèmes de santé mentale
Les personnes souffrant de problèmes de santé mentale sont considérées comme vulnérables en raison de leur état de santé complexe, caractérisé par une volonté potentiellement fluctuante.
Lorsque on examine la loi de 2002 sur les droits du patient, il est frappant de constater qu’elle est principalement axée sur les soins de santé physiques curatifs. L’exemple type est celui du patient qui se rend chez le médecin généraliste parce qu’il se sent grippé : ce patient vient parce qu’il a des problèmes physiques et qu’il veut un remède pour guérir. La tension entre les soins de santé curatifs physiques et les soins de santé mentale était déjà présente lorsque la loi est entrée en vigueur. Cependant, avec l’importance croissante accordée aux soins de santé mentale et au bien-être mental des individus, cette tension est aujourd’hui plus forte que jamais. L’application des droits du patient dans une relation de soins entre un patient et un psychiatre ou un psychologue clinicien, en particulier en termes d’autodétermination et de divulgation d’informations, est un défi et nécessite souvent beaucoup de créativité dans la pratique.
2.3. Victimes de violences sexuelles
Enfin, les victimes de violences sexuelles sont considérées comme vulnérables en raison de l’incident de violence sexuelle, pour lequel elles ont besoin de soins de santé spécifiques, comme dans les centres de soins après les violences sexuelles.
L’attention accrue portée aux victimes de violences sexuelles à la suite de la création de centres de soins après les violences sexuelles dans les différentes provinces a créé de nouveaux défis pour l’application des droits du patient. À cet égard, on observe une tendance à accorder une protection supplémentaire aux patients, pour la plupart valides, qui sont néanmoins considérés comme vulnérables du fait qu’ils sont victimes de violences sexuelles, en limitant certains droits du patient, tels que le droit d’accès au dossier du patient par les représentants. C’est ce qui ressort de la récente loi sur les centres de soins après les violences sexuelles, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025.
3. Calendrier de mise en œuvre
L’étude a une durée de six mois. Les chercheurs utilisent le calendrier suivant pour la répartition de l’étude :
Partie 0 : Le principe d’égalité dans l’application des droits du patient (Mois 1-5)
La commissaire indique clairement que si les recommandations optent pour une approche différenciée pour certains groupes vulnérables, cette approche doit être justifiée à la lumière du principe constitutionnel d’égalité.
Afin de mener correctement cette évaluation dans la partie 2, une analyse juridique du principe d’égalité dans le droit de la santé sera effectuée tout au long du projet à la lumière de la possibilité d’une approche différenciée des droits des patients pour certains groupes vulnérables. Dans cette évaluation, une distinction sera faite entre les mesures légales prises en application de l’article 3 de la loi relative aux droits du patient ou en dérogation à la loi relative aux droits du patient (comme par exemple dans la loi sur les centres de soins après les violences sexuelles) et les mesures qui visent simplement à une meilleure application des droits des patients pour les groupes vulnérables, mais qui n’impliquent pas de dérogation à la législation.
Partie 1 : Questions centrales (mois 1 à 4)
PHASE 1 – CARTOGRAPHIE
En étroite consultation avec les autorités contractantes, les parties prenantes et les experts concernés, les chercheurs définissent d’abord une stratégie de recherche large qui leur permet de procéder à une analyse documentaire approfondie de la littérature scientifique nationale et étrangère ainsi que des principaux textes juridiques, rapports, procédures et rapports sur l’application des droits des patients au sein des trois groupes de patients vulnérables. Tous les documents et cadres conceptuels pertinents sont recueillis à ce stade, en particulier les rapports annuels des bureaux des médiateurs respectifs, ainsi que les avis de la Commission fédérale des droits du patient, de l’Ordre des médecins et de la Commission des psychologues. Une analyse textuelle de la récente modification législative de la loi sur les droits des patients est également effectuée.
La qualité est évaluée et la phase 1 se termine lorsque la saturation théorique est atteinte et qu’il n’y a plus de nouvelles idées.
PHASE 2 – PROBLÈMES PRATIQUES
En outre, le groupe d’experts universitaires et un panel de représentants de chacun des secteurs concernés recevront un bref questionnaire validé leur permettant de faire part de leurs expériences, des problèmes d’application, de la documentation supplémentaire, des outils, des procédures et des pratiques, ainsi que de leurs recommandations ou préoccupations respectives, et de partager leurs premières observations sur l’impact de la nouvelle loi relative aux droits du patient sur le groupe spécifique de patients vulnérables.
Ce questionnaire est bilingue par groupe de patients vulnérables et est largement distribué en Belgique.
Parallèlement, des personnes clés seront identifiées pour les différents groupes vulnérables et feront l’objet d’un entretien semi-structuré. L’objectif est de se concentrer davantage sur les questions relatives à l’application des droits du patient, en particulier en ce qui concerne les innovations.
PHASE 3 – ANALYSE ET DÉVELOPPEMENT DU CADRE CONCEPTUEL
Au cours de cette phase, tous les documents sont analysés sur le plan du contenu et nous comparons les résultats obtenus à l’aide du questionnaire aux résultats (inter)nationaux à l’aide d’une analyse SWOT. Les lacunes potentielles, tant au niveau du contenu que de l’applicabilité, sont également identifiées. Dans chaque cas, il est vérifié si les lacunes potentielles concernent une lacune générale ou une lacune spécifique liée à une application spécifique des droits des patients, une mesure spécifique qui est prise ou une considération qui est effectuée. Ces lacunes sont ensuite représentées dans une matrice SWOT.
De cette analyse, les différents éléments émergent pour se concentrer sur la question de l’application des droits du patient par ces différents groupes de patients vulnérables. Ces observations constituent la base de la deuxième partie, à savoir la formulation de recommandations concrètes.
Partie 2 : Formuler des recommandations concrètes (Mois 5-6)
PHASE 1 – FOCUS GROUP
Pour chaque groupe de patients vulnérables, les chercheurs organisent un groupe de discussion auquel participent des patients et/ou des associations de patients, ainsi que des prestataires de soins de santé et le personnel des services de médiation. Les chercheurs prévoient un maximum de 8 représentants par groupe de discussion. Au total, 6 groupes de discussion d’une durée d’une heure et demie auront lieu, avec un maximum de 48 participants.
Au cours de ces discussions de groupe, les questions suivantes seront abordées :
- Discussion des problèmes formulés dans la première phase de l’étude.
- Travailler ensemble pour trouver des solutions, à la fois (soft)réglementaires et des outils pratiques, en mettant l’accent sur les points suivants
- l’impact probable des mesures proposées
- conditions-cadres et besoins de mise en œuvre
PHASE 2 – ANALYSER LES SOLUTIONS PROPOSÉES À LA LUMIÈRE DES GOULETS D’ÉTRANGLEMENT ET FORMULER DES RECOMMANDATIONS CONCRÈTES
Sur la base des résultats de la première partie et du rapport des discussions de groupe, une analyse sera effectuée à partir de laquelle des recommandations concrètes seront formulées, et ce pour chacun des trois groupes de patients vulnérables.
Les informations relatives aux conditions préalables, aux besoins de mise en œuvre et à l’impact probable obtenues lors des discussions de groupe sont concrètement incluses afin d’évaluer de manière adéquate la portée d’une mesure proposée.
Cela se fait également à la lumière de l’analyse juridique du principe d’égalité dans le droit de la santé réalisée dans la partie 0 du projet de recherche.
PHASE 3 : CONCLUSION DE L’ENQUÊTE (mois 6)
Le projet de rapport final sera soumis au groupe de travail qui l’accompagne, après quoi ses commentaires seront inclus dans le rapport final.